CETA : « MENTEZ, IL EN RESTERA TOUJOURS QUELQUE CHOSE ! »
Vous voulez être populaire ? Jouez la peur. Haranguez les foules bruyantes des meetings et les foules solitaires du net. « Vous avez raison d’avoir peur ! »
Vous voulez être cru ? Mentez. Mentez, et mentez encore. En vous souvenant de ce conseil de l’inventeur de la propagande, le sinistre Goebbels : « plus le mensonge est énorme, plus il a de chances d’être cru. »
On croyait la méthode révolue depuis la disparition du nazisme, et du stalinisme, et depuis le triomphe de la démocratie, de la liberté des médias, et enfin de la généralisation des réseaux sociaux. Eh bien, c’est le contraire. Les mensonges, avoués comme tels par leurs auteurs, ont permis le Brexit. Les mensonges les plus odieux ont permis l’ascension foudroyante de Donald Trump.
Le bon mensonge doit être assorti d’un bouc émissaire. Il suffit de bien choisir sa cible. La dernière victime est l’accord de commerce conclu par l’Europe avec le Canada. Il a été négocié pendant sept ans. La maison de verre que nous sommes a été informé de tout, et nous en avons rendu compte, dans l’indifférence des médias. Jusqu’au printemps dernier, des deux côtés de l’Atlantique, tous les acteurs économiques et politiques concernés le considéraient comme un accord modèle, le meilleur qu’ait signé l’UE. C’est une triple première :
1 – Le Canada a accepté d’ouvrir leurs marchés publics à nos entreprises. Non seulement leurs marchés fédéraux, mais aussi ceux des provinces – le Québec, l’Ontario, le Manitoba – et des collectivités locales, qui intéressent davantage nos PME.
2 – Le Canada accepte de reconnaître et de ne plus copier 145 de nos appellations d’origine, dont 40 françaises, pour les produits agricoles et d’absorber nos surplus de lait, qui avaient fait s’effondrer nos marchés.
3 – Le Canada accepte que les éventuels litiges qui pourraient naître de l’interprétation de l’accord ne soient pas soumis, comme c’est la coutume dans le commerce international, à un arbitrage privé, mais à un tribunal public de 15 juges désignés à parité par eux et nous.
Et puis tout d’un coup, les démagogues de gauche et de droite ont vu tout le parti qu’ils pouvaient en tirer.
Personne n’en parlait ? Cela montre bien que de puissants intérêts veillaient à garder le secret.
On a accepté de négocier sur des produits agricoles ? Nous allons être obligés de manger leur bœuf aux hormones et leurs OGM.
Nous supprimons les droits de douane pour les produits canadiens ? Mais le Canada va jouer le cheval de Troie des abominables multinationales américaines !
Les litiges seront soumis à un tribunal indépendant ? Mais qu’est-ce qui prouve que les juges nommés par le Canada seront indépendants des mêmes multinationales ?
Tout cela n’est que mensonge. Nos normes de sécurité alimentaire continueront à s’appliquer. L’accord le prévoit explicitement, tout comme il précise qu’aucune multinationale n’aura de droit de regard sur notre législation sociale ou environnementale, ni passée, ni à venir. Certes, comme avec toute concurrence nouvelle, il y aura des perdants, mais nous avons créé un Fonds d’adaptation à la mondialisation pour venir en aide à ceux qui en auraient besoin.
Libération se donne le ridicule de vanter ces courageux Belges de Wallonie, ces Gaulois, qui osent s’opposer à l’ogre romain, pardon américain, pardon européen.
Mais au fait, l’Europe, c’est nous !
Qui va pouvoir vendre des fromages, des TGV, des usines de traitement d’eau, des produits de luxe aux Canadiens ? Nos producteurs, nos entreprises.
Et cette Europe naïve, cette Europe qui ne sait pas négocier face aux multinationales ou aux autres Etats, elle nous protège pas si mal. Nous venons de faire le bilan de 5 ans d’accord de commerce avec la Corée du Sud, un concurrent bien plus redoutable, puisqu’il additionne un haut niveau technologique – Samsung – et des salaires encore très bas : en 5 ans, les exportations européennes ont augmenté de 70%, notre déficit commercial s’est transformé en excédent. 200 000 emplois ont été ainsi créés chez nous.
Rappelons le poids des deux partenaires au traité : à l’ouest, le Canada, 30 millions d’habitants, et un déficit commercial de 50 milliards $. A l’est, l’Europe, 500 millions d’habitants et un excédent de 400 milliards pour la seule zone euro. Si quelqu’un devrait avoir peur, c’est qui ?
Reprenons nos esprits. Laissons les démagogues à leurs mensonges et les idéologues à leurs fantasmes. Allons chercher la croissance là où elle est la plus forte : sur le nouveau continent et dans les pays émergents. Vive le commerce international, à armes égales !
Alain Lamassoure