Article paru dans « Sud Ouest » le 15 mai 2016
ROYAUME-UNI Que se passerait-il si le non à l’Europe l’emportait au référendum ? La question est taboue à Bruxelles; Si c’est non, alors c’est non
A six semaines du référendum britannique, toutes les institutions européennes retiennent leur souffle, préférant ne pas commenter ce qui se passerait au lendemain d’un vote de sortie des Britanniques (Brexit), le 23 juin. Interrogé par » Sud Ouest « , le porte-parole en chef de la Commission, Margaritis Schinas, le dit nettement. Il est hors de question de » spéculer sur les conséquences potentielles du référendum britannique « . Et d’ajouter non sans humour : » Faisons le point le matin du 24 juin. »
Que ce soit sur les conséquences économiques d’une sortie du Royaume-Uni, l’avenir politique de l’Union ou l’indépendance de l’Écosse, la même réponse sort invariablement ; le » no comment » domine donc. Dans les couloirs européens, on craint que tout propos venu de Bruxelles ne mette de l’huile sur le feu.
Le FMI entre dans la danse
Cette prévention, le Fonds monétaire international ne l’a guère. Présente à Londres, vendredi, la directrice générale du fonds, Christine Lagarde, n’a pas hésité à mettre les pieds dans le plat. La perspective est » plutôt mauvaise voire très, très mauvaise » pour le Royaume-Uni s’il décide de quitter l’Union européenne. Le risque d’une » récession technique » est réel.
Un Brexit » entraînerait un manque à gagner compris entre 1,5 % et 9,5 % pour le PIB britannique » et mettrait à mal la domination de Londres comme place financière, explique l’ancienne ministre des Finances française. Un propos qui s’appuie sur un rapport des experts de l’institution et entend placer les Britanniques devant leurs responsabilités.
Parler haut et clair
Pour l’eurodéputé français Alain Lamassoure, il faut, en effet, parler haut et clair aux sujets de Sa Gracieuse Majesté sur les conséquences de leur vote, pour eux-mêmes tout d’abord. Si le peuple britannique dit non à l’Europe, » dès le lendemain, le 24 juin, il faut indiquer clairement que les représentants britanniques dans les institutions européennes ne participeront plus aux prises de décision « , a confié l’eurodéputé du Sud-Ouest à quelques journalistes.
Les 73 députés britanniques, les ministres britanniques au Conseil des ministres ou le représentant britannique à la Commission n’auraient ainsi plus droit de vote dans leurs instances respectives. » C’est la seule solution valable. Je n’imagine pas que les Britanniques puissent se prononcer sur des sujets comme la directive sur le détachement, les questions fiscales, influer sur des textes qu’ils n’auront pas à appliquer, et se débrouiller pour mettre des flèches empoisonnées sur tout. Ce n’est pas légitime ! »
Un vide juridique
Juridiquement, la question est complexe, reconnaît l’ancien membre de la Convention qui a rédigé le nouvel article 50, permettant le départ d’un État membre de l’Union. Car les textes fondamentaux n’ont rien prévu pour cette période particulière où un pays a un pied dedans et un pied dehors.
La seule disposition prévue est que le gouvernement doit » notifier » à ses partenaires sa décision de se retirer. À partir de ce moment, s’engage une période de négociation qui peut durer longtemps, plusieurs années. Durant cette période, les représentants britanniques continueraient officiellement de siéger au sein de l’Union européenne.
» C’est surprenant que personne au Conseil européen, à la Commission européenne, au Parlement européen ne s’en soucie. Ils dorment « , ironise le député, qui aspire, un jour, à diriger le Parlement européen. Et d’asséner : » Si le non l’emporte, il faut préciser clairement la conséquence. Ce faisant, nous rendons service à ceux des Britanniques qui plaident en faveur du oui à l’Europe. »
Nicolas Gros-Verheyde, à Bruxelles