Alain Lamassoure est député européen (PPE) pour l’Ile-de-France
Européen convaincu, Alain Lamassoure ne peut guère compter sur les ténors de la droite française pour le soutenir. « Je crois à la liberté des échanges, à l’économie de marché et à la mondialisation. Mais je crois à la concurrence loyale, pas à la concurrence déloyale. Nous ne connaissons aucun des éléments concrets de l’accord. Or, c’est la totalité de notre élevage qui peut être bouleversé par ce traité. C’est la totalité de notre agriculture qui peut-être profondément mise à mal », vient ainsi de déclarer Nicolas Sarkozy dans le JDD. C’est sur Atlantico ce dimanche que François Fillon affirme qu’il « ne considère pas le libre-échange comme étant l’alpha et l’oméga de la pensée économique et politique. L’Europe, comme la France, doit choisir sa stratégie sur le modèle des Etats Unis qui mènent une politique qui préserve leurs intérêts. » Pour ce candidat à la primaire à droite, la mondialisation est « une situation à laquelle nous sommes confrontés […] mais sur laquelle nous avons des leviers d’action qui correspondent au niveau européen ». Le sentiment protectionniste gagne manifestement du terrain dans tous les camps, au grand dam du député européen. Voici sa défense du Traité.
Le Tafta a-t-il une chance d’être signé ?
Je crains que non car la fenêtre de tir américaine est en train de se refermer. Barack Obama voulait le signer avant la fin de son mandat, mais cela ne laisse que six mois. A ce stade, nous n’avons négocié que 30 % du contrat ! Ce n’est donc pas possible. Et tous les candidats à l’élection présidentielle américaine sont contre, même Hillary Clinton. Je pense donc qu’il faudra rouvrir des négociations avec la nouvelle administration américaine, mais sans doute moins ambitieuses. Il faudra viser un accord moins grandiose que le Tafta qui veut traiter des barrières commerciales, des normes mais aussi de règles plus larges et s’en tenir seulement aux normes.
Pourquoi ce sujet est-il si important ?
Parce que dans les deux prochaines décennies, la compétitivité et l’emploi dépendront de la capacité à les fixer. Si les États-Unis et l’Europe se mettent d’accord sur les mêmes normes sur l’automobile, l’aéronautique et l’économie numérique, cela constituera un référentiel mondial qui s’imposera à la Chine. Sinon, la super-compétitivité chinoise demeurera pour vingt ans encore. Ce n’est donc pas un accord de libre-échange classique portant sur les droits de douane. Je tiens à rappeler que c’est une initiative européenne qui est à l’origine du Tafta, née d’une des rares idées visionnaires de José-Manuel Barroso.
Pourquoi les négociations ont-elles pris du retard ?
Les négociateurs américains ont été très occupés par l’accord Transpacifique que les Etats-Unis ont signé avec onze autres pays en février 2016. Comme ce sont les mêmes qui négocient le Tafta, ils n’ont pas été très disponibles jusque-là. Ensuite, les chefs d’entreprise ont mis du temps à comprendre ce que pouvait leur apporter cet accord très novateur. Du côté américain, les Google, Apple, Amazon et autres ont au départ considéré qu’ils avaient une avance telle sur leurs concurrents qu’ils n’avaient pas besoin des politiques. Puis, ils ont réfléchi à plus long terme et se sont finalement ravisés. En France, il y eu aussi un retard à l’allumage. Il a fallu pratiquement dix-huit mois pour que les patrons comprennent ce qu’ils avaient à gagner à la création du nouvel immense marché qui se constituerait si le Tafta était une réussite. En fait, l’accord était tellement visionnaire que même les chefs d’entreprise ont eu du mal à comprendre.
Comment expliquez-vous l’hostilité croissante des opinions publiques contre le Tafta ?
Cela a vraiment démarré en 2014, lors de la campagne pour les élections européennes. Comme vous le savez, cela ne passionne pas grand monde et le seul sujet « saillant » qui a été débattu, cela a été le Tafta. Les activistes d’Attac ont fait campagne en France contre le traité et ont même réussi à en faire un enjeu des élections. Jusque-là, aucun citoyen et pratiquement aucun journaliste n’en avaient parlé ou même entendu parler. Je me souviens qu’à l’époque avait été organisée une table ronde avec les différents partis sur le sujet et que j’étais le seul, au nom de l’UMP, à défendre le projet. Les autres m’opposaient les mêmes arguments que ceux des ONG, dont j’estime qu’ils relevaient d’un simple anticapitalisme et d’un antiaméricanisme primaire et qu’ils étaient mensongers. D’autant que les 28 pays européens venaient de confier un mandat à la Commission pour négocier, et que les négociations n’avaient donc pas commencé. Mais je reconnais que les opposants au traité ont réussi à créer un « fond de l’air » sur le sujet en répétant en boucle : « Vous allez avoir du poulet au chlore et des OGM dans vos assiettes, et ce sont les multinationales qui feront le droit en Europe ». En Allemagne ce sont les Verts qui ont pris le relais, et il y a eu une contagion en Europe. Tout cela est bien entendu complètement faux. En fait, les opposants au Tafta, anticapitalistes primaires, font le jeu de la Chine et affaiblissent l’Europe.