Si le Royaume-Uni déserte l’UE, c’est un drame ?

Pour Londres, ce serait une tragédie. Le pays se retrouverait seul, un peu comme l’Islande ou Taïwan. Il risque lui-même la dislocation, avec l’Écosse. L’Irlande serait coupée en deux par une frontière. La City, première place de l’euro, se retrouverait réglementairement coupée de ses clients. La vraie perte de souveraineté est là.

Et pour l’Europe ?

Elle perdrait un acteur important et risque de sombrer dans le défaitisme. Raison de plus pour poser la question de confiance. Qui veut suivre le Royaume-Uni ? Qui se contente du grand marché européen ? Qui veut l’Europe politique ?

Le départ des Britanniques retirerait aussi une feuille de vigne à beaucoup. Ce serait le bon moment pour la France de proposer un vrai « deal » militaire à l’Allemagne. La droite française pourrait aussi s’interroger utilement sur ce qu’elle tient à distance : le libéralisme, le libre-échange, l’ouverture au monde.

Pourquoi un si long malentendu sur l’Europe ?

Anglais et continentaux ne parlent pas de la même chose. Pour nous, l’Europe est une vision collective pour empêcher la répétition des persécutions, des tyrannies et des boucheries du XX e  siècle. Nous n’avons pas d’autre choix que la réconciliation. Les Britanniques n’ont jamais connu ces horreurs sur leur sol. À leurs yeux, l’UE n’est pas un instrument de survie mais une organisation parmi d’autres. Mitterrand me disait que les Britanniques sont cordiaux, mais que ça tourne vite au dialogue de sourds. Les Allemands, eux, se présentent durs en affaire. Mais à la fin l’accord est toujours possible. Voire nécessaire.

Croyez-vous au sursaut européen après le référendum ?

Il n’y a plus de pilote dans l’avion. Angela Merkel y va à reculons, François Hollande est réduit à l’impuissance, Jean-Claude Juncker paraît absent. Ce serait pourtant l’occasion inespérée de relancer l’union politique. Un bon indice serait la manière dont le reste de l’Europe traitera les Britanniques, en cas de victoire du Brexit. Dans le traité européen, l’article 50 impose une période de transition de deux ans, peut-être davantage. Que se passe-t-il dans l’intervalle ? Il est impensable que le Royaume-Uni prenne part à des décisions qui ne l’engageraient plus Dans l’idéal, les Vingt-Sept devraient signifier à David Cameron qu’il est hors-jeu, dès le prochain sommet européen (le 28 juin, NDLR). La question est de savoir si l’Allemagne, les Pays-Bas ou encore les États nordiques seraient sur la même ligne.

http://www.lefigaro.fr/international/2016/06/15/01003-20160615ARTFIG00343-alain-lamassoure-une-occasion-inesperee-de-relancer-l-union-politique.php