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Interview publiée dans « Sud Ouest », le 9 août 2011

 Le Béarnais Alain Lamassoure, président de la commission des Budgets au Parlement européen, propose ses solutions à la crise.

Vous avez été l’un des négociateurs du premier pacte de stabilité européen adopté en 1995, qui n’a pas été couronné de succès…

 Les pères du traité de Maastricht, qui créait l’union monétaire, avaient saisi que son fonctionnement exigeait une discipline rigoureuse de la part de tous les États membres dans la gestion de leurs finances publiques.

 On peut estimer que des pays, comme la Grèce, ont triché. Peut-on dire que d’autres, comme la France, n’ont pas respecté cette discipline ?

Quand il y a eu des dérapages, on n’a pas osé appliquer les procédures qui étaient prévues. Le premier, c’était avec l’Irlande, qui, en 2001, avait un taux de croissance trop fort de 6 ou 7 %, avec un taux d’inflation du même ordre. On avait considéré que c’était un trop petit pays pour que cela ait des conséquences sur l’ensemble de la zone euro. En 2003, c’était le tour de la France et de l’Allemagne, qui présentaient des déficits publics trop élevés. On a considéré que ces pays étaient trop importants pour leur appliquer des sanctions. Un système où on ne punit ni les petits ni les gros ne fonctionne pas.Que faire, aujourd’hui, pour que les États membres respectent les règles ?Personne ne met en doute la volonté de respecter les nouveaux engagements qui comportent désormais des procédures beaucoup plus strictes. Ces affaires ne seront plus traitées par les ministres de l’Économie et des Finances, mais par les chefs d’État et de gouvernement eux-mêmes, dans le cadre des sommets européens.La semaine dernière, les investisseurs ont surtout douté de la volonté des États les plus riches de venir en aide aux pays en difficulté…C’est bien la solidarité qui manque. En Europe, ce n’est pas le budget de l’Union qui peut à lui seul garantir cette solidarité. Pourquoi ? Parce qu’il reste faible, de l’ordre de 1 % du PIB européen, et qu’il n’y a guère d’espoir de voir cette part devenir significative dans les dix prochaines années.Quelle autre solution pour développer la solidarité ?Je propose un pacte de solidarité comportant des engagements de tous les pays et de l’Union européenne. Il comporte plusieurs volets. Le premier reste le budget commun, qui est tout de même de l’ordre de 150 milliards d’euros. Comme il s’agit essentiellement d’un budget d’investissement et d’intervention, la question est de savoir comment on l’utilise pour doper la croissance et financer les grands projets communs.Mais c’était le but de la stratégie de Lisbonne, arrêtée en 2000, qui a échoué ?Le programme était bien conçu, mais en face, il y avait 0 euro. L’idée, c’est que chaque pays finance des investissements d’avenir communs, correspondant à des projets européens, en complément du budget européen, comme la France l’a fait dans le cadre du grand emprunt. Pour le programme 2014-2020, nous avons mis sur le papier une liste de projets et nous allons préciser leur financement par le budget européen et les budgets nationaux.L’Union va-t-elle lancer, elle aussi, un emprunt ?Elle devrait créer une Agence européenne de la dette pour assurer sa solidarité vis-à-vis des marchés financiers. Il faut trouver une solution technique pour garantir que les pays bien gérés, qui financent leur dette à 2 ou 3 % sur les marchés publics, ne paient pas davantage, et que les pays en difficulté puissent financer leurs investissements au même taux. La présidence polonaise de l’Union lancera, les 20 et 21 octobre, une grande conférence à Bruxelles pour examiner si nous sommes capables de nous mettre d’accord.Recueilli par Jean-Pierre Deroudille