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« Europe et défense : avons-nous les moyens de nos ambitions? », discours prononcé lors du colloque « Lancaster house, Lettre de Weimar, un second souffle pour l’Europe de la Défense » organisé par l’IHEDN, le 6 janvier 2012

Avant toutes choses, je voudrais exprimer l’estime que je porte à l’IHEDN, cette institution républicaine, de plus en plus copiée, jamais égalée. Et rendre un vibrant hommage à nos forces armées et à la diplomatie française pour les deux chefs d’œuvre, diplomatiques et militaires, qu’ont été les opérations récentes en Côte d’Ivoire et en Libye. Elles supposaient un mélange d’adresse politique, de connaissance des acteurs, d’esprit de décision, et de savoir-faire professionnel, peut-être unique au monde. Je tenais à le dire pour tempérer à l’avance les jugements critiques que je vais faire maintenant.

Car la meilleure manière de vous remercier et de rendre hommage, c’est de m’exprimer en homme libre.

La drôle de paix de l’après-guerre froide : les faux semblants

« Avons-nous les moyens de nos ambitions ? » Le problème de la défense de l’Europe, ce n’est pas une question de moyens, mais de volonté politique.

De manière inexplicable, vingt ans après la fin de la guerre froide, les pays européens n’ont pas redéfini leur politique de défense. Ni individuellement, ni collectivement. On fait semblant.

On fait semblant chacun chez soi. En conservant, en entretenant, parfois en continuant de commander des armes conçues pour livrer une guerre qui n’a pas eu lieu contre un ennemi aujourd’hui disparu. En France, le faire-semblant s’appelle « Livre Blanc ». Je le résume, en le caricaturant, juste un peu. « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, mais il y a des dangers partout, et il faut qu’on puisse les affronter, seuls ou avec d’autres, avec les armes d’hier, d’aujourd’hui et de demain. »  On ne choisit pas entre les dangers, entre les ennemis potentiels, entre les armes. On continue de faire un peu de tout, mais, comme les temps sont durs, un peu moins.

On fait semblant ensemble, dans l’OTAN.

On fait semblant ensemble, avec la plupart des mêmes, mais pas tous, au sein de l’U.E. L’OTAN et l’UE passant une partie de leur temps à se disputer pour savoir quelle est celle des deux organisations qui fera le mieux semblant.

On fait semblant à plusieurs. Les groupes, les couples se font et se défont, selon les moments, selon les sujets. Cette riche chorégraphie revêt tantôt la forme d’un quadrille – l’Eurocorps, le commandement européen du transport aérien -, tantôt une valse à deux – en franco-belge pour la formation des pilotes d’avions, en franco-allemand pour les pilotes d’hélicoptères -, parfois un ménage à 3 pour certains missiles et certains « groupes tactiques ». Sur les drones, on est carrément dans le registre du vaudeville : le Français va-t-il se marier avec l’Anglais ou l’Allemand ? Quant à la relation franco-anglaise, c’est toujours un slow, la plus séduisante des danses, avec des moments parfois très langoureux – Saint-Malo, Lancaster House -, et des moments plus slow, mais finalement toujours trop slow.

Pourquoi fait-on semblant ? Un mot sur ce qui est un vrai mystère.

Le mystère de la non-Europe militaire.

Après plus d’un demi-siècle de construction européenne, l’Europe de la défense reste encore à bâtir.

C’est d’autant plus étonnant que chacun de nos pays a profondément remanié son outil militaire, notamment avec le passage à l’armée de métier. Mais sans redéfinir une politique de défense. La plupart laissent faire l’OTAN, mais l’OTAN est occupée ailleurs qu’en Europe. La France incarnait, parfois à elle seule, une volonté de pensée indépendante, mais la nomination d’un général français au commandement de Norfolk, le think tank de l’Alliance, semble l’avoir dispensée d’afficher une pensée propre.

C’est d’autant plus étonnant que jamais, depuis 1945, des militaires européens d’autant de pays n’ont été engagés aussi nombreux sur des théâtres aussi divers pour des opérations aussi variées : 66 000. Ils y ont développé une expérience unique et ils y ont acquis une culture, propre à l’Europe, du maintien de la paix très précieuse dans le monde actuel.

C’est d’autant plus étonnant que le traité de Lisbonne donne à l’Union européenne une compétence nouvelle, des procédures très souples, des institutions et des organes propres pour conduire une politique industrielle de défense, pour coordonner les politiques nationales, et même pour initier une politique de défense proprement européenne. Une directive de 2009 facilite le commerce des armes entre les pays européens.

C’est d’autant plus étonnant que les Américains ne s’opposent plus du tout à l’émergence d’une capacité militaire européenne. Ils ne cessent même de déplorer la faiblesse des moyens européens et leur dispersion entre armées nationales étiques –avec et sans « h ».

C’est d’autant plus étonnant que les cadres de nos armées et nos opinions publiques sont acquises depuis longtemps à la nécessité d’une politique de défense européenne : 80%. C’est le domaine où l’Europe est la plus populaire ! Ce n’est même pas une affaire de courage politique. Nous ne sommes pas en face du dilemme de Juncker : nous savons ce qu’il faut faire, et cela peut nous aider à gagner l’élection suivante.

Bref, le bon sens le commande, les armées y sont prêtes, les budgétaires y poussent, les citoyens l’espèrent, nos alliés s’impatientent, nos ennemis potentiels le redoutent, c’est une condition de survie pour notre industrie, ce serait plus efficace, plus populaire et moins coûteux : qu’attendons-nous ? Nous avons des pudeurs de jeune fille écrivant au Courrier du cœur.

Quelle est la raison cachée de ce mystère ?

Nous sommes trop unis pour agir chacun séparément, mais pas encore assez pour agir ensemble. Donc, nous sommes dans la posture taoïste du wou-wei, « l’agir par le non-agir ».

Le hic, c’est que même le non-agir aboutit à des choix politiques implicites, dont les conséquences peuvent être considérables. Un seul exemple : le bouclier antimissile. Il a donné lieu à ce jour à une non-décision de l’OTAN, valant décision américaine face à l’indécision européenne. J’évoquais des chefs d’œuvre diplomatiques et militaires. Nous sommes ici en face d’un chef d’œuvre de nullité politique. A tort ou à raison, les Etats-Unis estiment avoir besoin d’un système antimissile contre une menace asiatique. Ce bouclier ne peut-être à peu près étanche qu’avec un volet européen. L’OTAN finit par s’en saisir : c’est le sujet majeur du Sommet de Lisbonne sous la présidence de fait du Président Obama. Le Sommet accouche de conclusions selon lequel le processus continue, mais il n’y a pas de décision formelle et on continue de consulter les principaux voisins, à commencer par les Russes. Personne n’y a posé les questions fondamentales pour la sécurité de l’Europe : un bouclier antimissile est-il, pour l’Europe, un meilleur atout de sécurité que la dissuasion classique ? Si oui, vis-à-vis de quelle menace de quel acteur, et comment rassurer les autres (notamment Moscou) ? Si non, pourquoi l’Europe y prêterait-elle la main – et son sol ? Mais si oui, si décidément oui, pourquoi l’Europe se condamnerait-elle à dépendre complètement d’un système américain, sur le plan opérationnel comme sur le plan industriel – alors que la France, à elle seule, a la capacité de maîtriser toutes les technologies nécessaires ?

 Pour la défense, la crise budgétaire est une opportunité historique.

Rappelons au passage que la vraie raison de fond de la crise financière de 2008 ne réside pas dans les folies spéculatives. Celles-ci n’ont été que la conséquence du choix politique fait par les dirigeants américains de livrer simultanément deux guerres particulièrement coûteuses et de les financer par l’emprunt. D’où la politique d’argent facile orchestrée par Alan Greenspan avec l’enthousiasme des marchés, mais aussi avec celui des professeurs d’économie. D’où la contagion de l’endettement à tous les acteurs économiques aux USA, et à beaucoup d’acteurs ailleurs dans le monde : les taux d’intérêt étaient si bas ! Et d’où le bouleversement de tout le système financier international quand des défaillances des emprunteurs les plus fragiles ont fait s’effondrer la pyramide des crédits. Tout comme, en 1971, c’est la volonté de financer par l’emprunt l’impopulaire guerre du Vietnam qui avait contraint Nixon à  décrocher le dollar de l’or et qui avait fait basculer le monde dans les taux de change flexibles.

Les Américains ont raison de trouver leur part de fardeau excessive dans l’ensemble des dépenses militaires des membres de l’OTAN : ils représentent les trois quarts des dépenses, contre les deux tiers il y a dix ans. Mais ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes : c’est la conséquence de leurs choix politiques absurdes. Le PNB de l’Afghanistan n’est que de 10 M$/an. Les Etats-Unis auraient pu verser à Kaboul une aide conditionnelle annuelle d’un même montant, qui aurait permis au pays de doubler son revenu national, en se passant à la fois du pavot et des talibans : cela aurait coûté dix fois moins cher au budget fédéral américain, et bien des vies auraient été épargnées. Il y a dix ans, les USA représentaient le tiers de la richesse mondiale et le tiers de la dépense militaire mondiale. Aujourd’hui, ils ne produisent plus que le quart de la richesse mondiale, mais ils assurent près de la moitié de la dépense militaire mondiale. C’est absurde et intenable.

En tout cas, en Europe, la cause est entendue : nous n’avons plus d’argent. Selon l’AED, en 2010 les 27 pays ont consacré un peu moins de 200 Md euros à la défense, soit 1,6% du PIB, l’effort de R&T est tombé à 2 Md, et la recherche en coopération a atteint son plus bas niveau historique : 250M. Cela compte non tenu des réductions annoncées depuis en Allemagne, au Royaume-Uni, au Pays-Bas et ailleurs.

Cas de la France : le déficit budgétaire de 2011 a été inférieur au chiffre prévu. Il sera finalement de 95,3Md. Retenez ce chiffre : c’est, au millier d’euros près, le montant des dépenses prévues dans le dernier budget triennal de la défense 2011-2013. Le déficit annuel du budget de l’Etat français représente exactement trois ans de nos dépenses militaires !

Nous n’avons plus d’argent et nous n’avons plus d’ennemis. Les crédits militaires sont et seront plus encore à l’avenir les premiers gisements d’économies budgétaires. Mais il y deux manières possibles de s’y prendre.

La première est celle à laquelle tout le monde a eu spontanément recours. Il y a, parmi nous, en matière de moyens militaires, ceux qui en ont un peu, ceux qui ont vraiment peu, ceux qui ont très très peu. Et tous ont décidé de faire un peu moins. A l’arrivée, nous aurons 27 armées d’opérette. 200 Md, c’est très très cher pour des tigres de papier. De l’Afghanistan à la Libye, nous avons maintenant une idée précise des capacités de nos forces militaires respectives. Et de nos lacunes. Combien avons-nous pu déployer de Tigres en Afghanistan ? Trois, en tout et pour tout. Combien de drones ? Trois. La prochaine fois, on n’en enverra que 2 ?

La seconde manière, évidemment la bonne, est de mettre en commun. Tout ce qui peut l’être, à tous les niveaux. Mais de façon ordonnée : alors que nous réussissons aujourd’hui l’exploit de rendre la coopération européenne plus compliquée, plus lente et finalement plus coûteuse que l’action purement nationale. Nous multiplions les structures, les partenariats, les projets industriels, les commandements communs, les états-majors de campagne, les organes d’achat de matériels, bref les bureaucraties militaires multinationales sans avoir un véritable quartier général européen. Le fonctionnement du Centre satellitaire de Torrejon est proprement pathétique : nous observons l’ennemi avec des images achetées dans le commerce.

Comment procéder ?

Deux préalables : l’agenda de politique étrangère et le livre blanc de la sécurité européenne.

La politique de défense est au service d’une politique étrangère. Le préalable est évidemment de se mettre d’accord sur les priorités de politique étrangère entre Européens, sur « l’agenda ». Jusqu’à ces dernières années, quand on rencontrait les Américains, on ne discutait que de l’agenda américain. Nous avons progressé, grâce au Haut-Représentant, et surtout, reconnaissons-le, grâce à l’actualité : elle nous impose l’agenda. Le printemps arabe, d’un côté, et les éclosions pré-printanières plus au sud en Afrique ; le désengagement des théâtres irakien et afghan, de l’autre, avec les conséquences sur l’ensemble du Moyen-Orient.

A partir delà, il nous faut établir le livre blanc de la sécurité européenne. La première chose à mettre en commun, c’est l’analyse. Et, pour cela, à organiser le grand débat public dont le continent a besoin depuis vingt ans : quelles sont les menaces qui pèsent sur la paix mondiale ? Sur l’ensemble du continent américain ? En reste-t-il qui ne concerneraient qu’un seul de nos pays ?

Pas de progrès possible sans promotion du sujet au niveau du Sommet européen

On le sait depuis Clémenceau, et on le rappelle tous les jours dans cet auguste bâtiment : la guerre est une chose trop sérieuse pour être confiée aux militaires. L’ancien ministre du Budget que je suis a pu mesurer que les choix budgétaires sont trop importants pour être confiés aux budgétaires : de fait, l’union budgétaire en Europe n’avance que depuis que les chefs d’Etat et de gouvernement se sont saisis d’un dossier qui dépassait leurs ministres. En deux ans, 16 Sommets européens y ont été consacrés. Pas un seul n’a encore été réuni pour parler de la défense de l’Europe. Tant que nos grands dirigeants ne se considèreront pas comme « en charge », nous serons condamnés à avancer à la vitesse d’un escargot cuirassé.

En revanche, dès qu’ils en auront la volonté politique, nous pourrons aller assez vite. Nous avons les dispositions institutionnelles très souples du traité de Lisbonne. Et nous avons l’expérience de ce qui marche et de ce qui ne marche pas dans la coopération internationale, tant au niveau industriel qu’au niveau opérationnel. Mettons en commun :

- La définition des moyens pour faire face aux menaces. Partageons-nous les tâches au niveau recherche, au niveau industriel, au niveau des forces, comme nous savons déjà le faire au niveau de l’accompagnement civil de l’action militaire. Définissons ensemble les technologies-clefs que l’industrie européenne doit maîtriser pour sauvegarder l’indépendance stratégique de l’Europe : le travail technique existe, le débat politique reste complètement tabou.

Le principe de préférence européenne doit être appliqué pour les achats stratégiques, contre les fournitures extérieures, notamment américaines, mais aussi, contre la préférence nationale pour les consolidations industrielles. Il faut que le pouvoir politique soit capable de se faire obéir des industriels qui dépendent entièrement de lui.

Souvenons-nous de l’exemple de la création d’EADS. Nous sommes en 1997. Sur le marché des avions civils, Airbus monte régulièrement en puissance, et atteint 15% du marché. Les Etats-Unis s’inquiètent et réagissent de manière spectaculaire : la fusion de Boeing, premier constructeur civil mondial, avec MDD, premier fournisseur du Pentagone et de la Nasa, donne naissance à un monstre représentant 85% du marché commercial mondial. Tout cela avec la bénédiction de la FTC, dont l’avis favorable a été résumé dans un texte de 3 pages à peine ! Mais l’Europe à répliqué à son tour, en fusionnant les moyens industriels, civils et militaires, d’Aérospatiale, Matra, Dasa, Casa : 3 pays fondateurs, autour de 4 bases industrielles duales. Aujourd’hui Airbus a dépassé Boeing, Eurocopter et ATR sont numéros 1 mondiaux dans leur domaine, MBDA n°1 ex aequo, mais EADS n’est que n°4 pour les avions de combat. Il y a d’autres modèles de consolidation européenne réussis : Agusta-Westland et Thales Alenia Space.

- Mettons en place une véritable coordination de la commande publique de défense : selon l’exemple de l’A 400M ou du F-35. Ce qui commence par une capacité d’harmoniser les spécifications de chaque armée intéressée. C’est la vraie vocation de l’AED. Le dernier conseil d’administration a commencé timidement, mais concrètement, de le faire. On commence à mutualiser des projets et à partager des capacités existantes sur la surveillance maritime, la formation des pilotes, la communication par satellites… Il faut passer à la phase suivante et trouver au moins un grand programme structurant parmi les lacunes capacitaires les plus criantes : drones, ravitailleurs, cybersécurité.

- Partageons aussi entre les budgets nationaux et le budget européen. En particulier, les institutions communautaires ont un rôle majeur à jouer sur la recherche duale, notamment aéronautique, et sur le spatial. C’est le budget communautaire qui a financé intégralement Galileo, c’est lui qui sera mis à contribution pour le GMES. Or, il n’y aura pas de défense européenne sans maîtrise de la dimension de l’espace, et inversement le spatial européen, deuxième du monde, ne gardera pas son rang sans prendre en compte le besoin militaire. Cela passe par la réforme de l’ESA.

C’est un sujet dont la France tient la plupart des clefs … Il y a moins d’un mois, en décembre 2011, la France a déployé dans l’espace un essaim de 4 satellites d’observation électromagnétique Elisa. Il s’agit de rien de moins que de détecter le système radar et l’organisation de toute la chaîne de commandement adverse. Mais il ne s’agit encore que de démonstrateurs, le déploiement du système complet est reporté au-delà de 2020 : nous avons la technologie, mais nous n’avons pas l’argent. Ou bien nous en faisons un système européen, en y intéressant nos partenaires, ou bien nous laissons mourir cet éléphant blanc.

Une procédure existe : le semestre européen

Une fois que les dirigeants européens auront pris des engagements communs, notamment capacitaires, la procédure existe pour en vérifier le suivi. Ils ont déjà mis en place une telle procédure pour contrôler, année après année, le respect des engagements de chacun en matière de retour à l’équilibre budgétaire. On peut utiliser la même procédure, la même méthode, et le même calendrier, à condition qu’on accepte un double élargissement de son objet :

- Elargissement au contenu des budgets, et pas seulement à leur solde. Le Parlement européen le propose depuis plusieurs mois et le Président Van Rompuy en accepte le principe.

- Elargissement à la vérification du respect des engagements pris entre Européens en-dehors de la politique économique proprement dite (« stratégie Europe 2020 »).

Il y a vingt ans, l’Europe a perdu l’occasion de redéfinir ses besoins de sécurité et sa politique de défense. C’était la fin de la guerre froide.

Nous sommes devant une nouvelle opportunité historique : la fin de l’argent facile. Nous sommes ruinés. C’est une chance inappréciable. Nous sommes obligés de faire des choix. Pour la première fois dans notre histoire, nous n’avons plus d’ennemis. Plus personne ne nous menace, et nous-mêmes, nous ne menaçons plus personne, nous n’ambitionnons plus de dominer militairement le monde. Les seuls sacrifices à faire seront ceux de nos amours-propres : c’est douloureux, mais ce n’est pas insurmontable.

Et tout repose sur la France. Sur ce sujet-là, l’Allemagne, l’Allemagne profonde, ne se sent pas légitime : elle accompagnera, elle aura du mal à assumer une part de leadership. De son côté, l’Angleterre sait ce qu’elle ne veut pas, mais elle ne sait plus où elle est. Elle a perdu le sens de l’orientation. En ce début de XXIe siècle, elle se situe mal sur la carte. Il lui faudra un peu de temps pour comprendre qu’elle est décidément, définitivement, en Europe. D’autres pays sont prêts à participer à un groupe pionniers, comme les Polonais l’ont montré éloquemment. Les dispositions du traité de Lisbonne ont été écrites par des Français pour permettre à la France, et à tous les pays européens qui le souhaitent, de faire avancer, le moment venu, la cause d’une défense européenne.

Ce moment est venu.

En 2007, Nicolas Sarkozy a été élu Président de la République en annonçant qu’il négocierait avec les Américains un retour de la France dans l’organisation militaire de l’Alliance atlantique, en contrepartie d’un soutien de Washington à l’émergence d’une défense européenne commune. Nous sommes revenus dans l’OTAN. Il nous faut maintenant bâtir enfin l’Europe de la Défense.

                                                                                           Alain LAMASSOURE