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Quand l’Europe nous sauve du surendettement

2011 aura été marquée par la résurgence d’une crise financière majeure. Subie ou voulue, sa dramatisation a fait dire beaucoup de sottises à beaucoup d’observateurs, et même de responsables. Remettons les choses en place.

Cette nouvelle crise est née en Europe. Pourtant, ce n’est pas une crise de l’Union européenne. Ni de sa monnaie : l’euro reste la monnaie la plus stable du monde – et même un peu trop forte. L’éclatement de la zone euro était tout simplement impossible : le degré d’intégration de nos économies est tel que l’usage d’une même monnaie est aussi inévitable entre Paris, Milan, Séville et Hambourg qu’entre Bordeaux et Lille. Des financiers suisses, donc neutres, basés à Londres ont évalué à 50% ce que serait la perte de richesse (PIB) de la Grèce si elle sortait de l’euro, et même à 20% celle de l’Allemagne si elle revenait au mark : nos partenaires d’outre-Rhin doivent l’essentiel de leur prospérité à leurs exportations vers l’Europe.

La vérité est qu’il s’agit d’une crise de surendettement qui frappe simultanément une bonne douzaine de pays d’Europe, dont certains sont membres de l’euro (Grèce, Irlande, Portugal, Espagne, Italie et, hélas, France), et d’autres à l’extérieur (Grande-Bretagne, Hongrie, Roumanie, Lettonie). Quand le niveau de la dette publique se rapproche de 100% de toute la richesse produite annuellement par un pays, les prêteurs habituels prennent peur : ils exigent une prime de risque. Or, ces prêteurs-là ne sont pas de vils spéculateurs, mais, au contraire, les investisseurs les plus sérieux auxquels nous confions notre épargne, à commencer par les compagnies d’assurance-vie. La menace majeure pour nos pays n’est pas l’explosion de la zone euro, mais une hausse des taux d’intérêt qui rendrait la charge de la dette absolument insupportable. Sur la base d’une prévision basse de taux à 3%, la France devrait déjà payer 49 milliards de frais financiers en 2012, soit plus que le budget de l’Education nationale ! Un point, un petit point de plus, et notre budget explose : c’est ça l’immense danger.

Ainsi, ce n’est pas l’Europe qui était menacée, mais certains de ses membres. Au contraire, c’est l’Europe qui va nous aider à sortir par le haut, tous ensemble, de ce péril mortel. En adoptant des disciplines communes – la fameuse « règle d’or ». En bénéficiant de l’aide d’urgence de la Banque centrale européenne. Et en mutualisant nos capacités d’emprunt, ce qui permet aux pays qui ont conservé leur crédit, à commencer par l’Allemagne, d’en faire profiter les autres. Merci l’Europe ! 

Mais attention ! La solidarité européenne ne peut nous offrir qu’un répit : ces dettes, il faudra bien les rembourser un jour. Il est hors de question de faire payer le contribuable allemand à la place du contribuable grec, espagnol ou français. La récréation est finie : la France ne peut plus différer la réinvention de son modèle économique comme de son modèle social. Ce sera l’enjeu historique des élections de 2012. 

Alain LAMASSOURE, le 9 décembre 2012