Rechercher :

Interview publiée dans « La Tribune », le 8 juillet 2011

« L’UE doit se financer en partie par ses propres ressources fiscales »Alain Lamassoure défend la hausse du budget européen 2014-2020 proposée par la Commission, au grand dam de Paris, Londres ou Berlin. Il plaide pour une modernisation des politiques européennes, dont la PAC.

Le projet de budget européen 2014-2020 présenté par la Commission prévoit 1.083,3 milliards d’euros de dépenses sur sept ans, soit 1,11 % du PIB européen. Cette hausse de 5 % par rapport au budget 2007-2013 irrite beaucoup des pays comme la France, l’Allemagne ou le Royaume-Uni, qui exigent un gel des dépenses…

1,11 % du PIB, c’est très peu, surtout pour une institution aussi importante que l’Union européenne (UE). Cette hausse ne serait pas pénalisante pour les États ruinés par la crise. Car, pour la première fois, l’Union européenne (UE) doit se financer en partie par ses propres ressources fiscales se substituant à la contribution des États membres. La Commission européenne propose deux axes, dont les modalités restent à définir : le prélèvement d’un point de TVA directement pour le budget européen, et une taxe sur les transactions financières, soutenue par Nicolas Sarkozy, Angela Merkel et David Cameron. Le but est que l’Europe remporte les Jeux olympiques de la compétitivité d’ici 2020. Il faut donc favoriser la croissance et cela passe aussi par une augmentation et une modernisation du budget.

La hausse du budget vient de l’ajout d’une enveloppe de 58,3 milliards d’euros. À quoi est-elle destinée ?

Il s’agit de programmes spécifiques comme le Fonds européen de développement (FED), qui coûte 30 milliards d’euros et sert à apporter une aide technique et financière aux pays en développement, ou la réserve d’aide d’urgence de 2,5 milliards d’euros en cas de catastrophe climatique ou humanitaire. Cette enveloppe finance aussi des programmes pour lesquels certains gouvernements ne veulent pas payer car ils jugent que cela les concernent peu, comme le projet de réacteur nucléaire ITER, très important pour un pays comme la France mais moins pour l’Italie ou la Grèce par exemple, ou le grand programme d’observation de la terre par satellite (GMES).

Le projet de budget prévoit des réorientations fortes, notamment sur la Politique agricole commune (PAC), qui représente un tiers du budget européen, ou le fameux « rabais britannique ». Or Nicolas Sarkozy s’est engagé à ce que la PAC ne baisse pas d’un centime…

La PAC devrait toujours représenter environ 30 % du budget européen. Dans un contexte de tensions permanentes sur les prix des produits alimentaires, d’augmentation de la demande et de ralentissement de la productivité, il faut que la PAC soit réformée en profondeur pour garantir le niveau de vie des agriculteurs, stabiliser les marchés, accroître la productivité et soutenir la lutte contre le changement climatique. La situation a profondément changé par rapport à la bonne vieille PAC d’il y a cinquante ans. Aujourd’hui, les agriculteurs ont besoin d’être protégés du marché, grâce à des mécanismes fondés par exemple sur le principe de l’assurance pour les aider les mauvaises années. Quant au « chèque anglais », il est archaïque et injustifiable, tout le monde le sait y compris les Anglais. La création de ressources propres pour le budget européen devrait régler le problème en diminuant les contributions nationales.

Le budget européen doit être adopté par consensus. Comment comptez-vous y arriver sans vider ce projet de sa substance ?

L’intelligence de ces propositions est que chacun doit faire des efforts, mais au final tout le monde y gagne. Il ne s’agit pas de bouleverser les équilibres traditionnels mais d’adapter les politiques communes aux enjeux de l’avenir. C’est pour cela que je défends la mise en place d’une conférence financière européenne en préalable des négociations, qui pourrait se tenir à l’automne. L’objectif est d’associer les parlements nationaux au débat sur le budget, pour que tous les partis européens puissent se saisir de la question. Le principe a été retenu par le Parlement euroépen et est soutenu par Nicolas Sarkozy, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso, et le Premier ministre polonais. Néanmoins, les négociations seront longues et douloureuses et je ne pense pas que nous aurons un accord avant 2013, c’est-à-dire après la présidentielle française et les législatives allemandes.

Propos recueillis par Sylvain Rolland