Intervention en séance plénière du Parlement européen lors du débat sur la preparation du Conseil européen des 17 et 18 décembre, à Strasbourg le 16 décembre 2015

Oui au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes!

Oui au renforcement d’Europol!

Oui à l’aide à la Turquie, au Liban, à la Jordanie, pour garantir l’hébergement et la sécurité des réfugiés syriens!

Oui à l’aide à l’Afrique, à la suite du Sommet de La Valette et de la COP21, pour aider les pays africains à prévenir le terrorisme, les migrations incontrôlées et l’émission de gaz à effet de serre!

Oui, cent fois oui, mais avec quel argent?

Ce sont des compétences communautaires. Ce sont des décisions communautaires. Mais le budget européen n’a plus d’argent.

Un autre enseignement à tirer de ces crises c’est que le principe d’un cadre budgétaire rigide, figé pour sept ans, au profit des seules politiques traditionnelles est mort. Ayant les mains liées pour sept ans, nous sommes condamnés à un dilemme:

– ou bien prélever sur les fonds de cohésion, et sacrifier les plus pauvres d’entre nous,

– ou bien multiplier les fonds ad hoc, les fonds fiduciaires, une foule de petits budgets satellites. Sans contrôle parlementaire, ni ici, ni dans les parlements nationaux. Sacrifier la démocratie.

Ces deux options sont inacceptables. En 2016, nous allons préparer la révision du cadre financier pluriannuel. C’est le principe même d’un tel cadre qu’il faut désormais remettre en question. Nous ne pouvons pas construire l’Europe en sacrifiant nos pauvres ou en sacrifiant la démocratie.

Retrouvez mon édito intitulé  » L’EUROPE ET LA PEUR DU SIECLE  » :

Qu’est-ce qui fait le succès des partis populistes, de la France à la Suède, du Danemark à la Suisse, de la Finlande à la Hongrie, de la Norvège aux Pays-Bas ? La peur. La peur de l’Autre. Soudain. Partout. En Europe continentale, l’Autre est aujourd’hui le musulman, étranger ou même autochtone ; au Royaume-Uni c’est plutôt le Polonais, et c’est le latino aux Etats-Unis, fascinés par les propos racistes et antiféministes du milliardaire Donald Trump. En France, le chômage de masse persistant peut expliquer la peur ou l’exaspération chez des jeunes sans perspectives, mais que dire du cas de l’Angleterre et des pays scandinaves, qui ont retrouvé le plein emploi ? Une profonde angoisse identitaire taraude les vieilles nations occidentales.

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Retrouvez mon article « 7 MILLIARDS DE BIG BROTHERS, ET MOI ET MOI ET MOI… » paru aujourd’hui sur le site Presaje.Com :

La naissance de l’imprimerie annonçait une révolution dans la culture et dans la politique. Internet annonce trois ruptures dans l’ordre du monde. Rupture dans la perception de l’espace par des milliards d’habitants de la planète aujourd’hui connectés. Rupture temporelle avec le principe d’instantanéité au fondement du numérique. Rupture dans la « fabrique de l’information » avec le phénomène Big Data. Faut-il s’inquiéter de la montée en puissance d’un futur « Big Brother » ? C’est sous-estimer le pouvoir réel des internautes.
Troisième révolution industrielle ? C’est ainsi que l’on présente souvent l’irruption d’internet dans nos économies et nos sociétés, particulièrement depuis les perspectives offertes par l’interconnexion généralisée des personnes, des sources documentaires, des objets, que résume l’expression Big Data.

Il s’agit bien d’une révolution, mais de nature différente : tout comme l’usage antique du collier d’épaule ou des moulins à eau et à vent, la machine à vapeur et l’électricité augmentaient la capacité humaine à mobiliser l’énergie pour produire davantage. Cette fois, il s’agit d’une prodigieuse diffusion des connaissances, et aussi d’une capacité presque infinie de les accroître en les combinant. La bonne référence historique serait plutôt l’invention de l’imprimerie : l’édition d’ouvrages à des dizaines de milliers d’exemplaires sortait définitivement la culture du temps des coffres-forts élitistes qu’étaient devenus les monastères, conservateurs jaloux des secrets de la nature, des philosophes et de Dieu. Mais à la diffusion du savoir, internet ajoute trois dimensions supplémentaires : l’espace, le temps et l’enrichissement par le calcul.

L’espace : toute la planète est concernée. Au XVIe siècle, une faible proportion de la population savait lire, et elle était concentrée géographiquement dans les rares foyers de civilisation. En 2015, la moitié des Africains utilisent déjà un mobile, et il suffira d’une génération pour que toute l’humanité soit connectée.

Le temps : l’instantanéité. Le temps d’un clic, tout le savoir de l’humanité est à la portée de n’importe qui.

Enfin le calcul, la combinaison, le rapprochement des données apparemment les plus diverses pour percer les secrets de l’économie, de la société, de la nature, de nos corps et de nos âmes.

Une révolution aussi brutale ne peut que donner le vertige. Vertige enthousiaste chez les uns, notamment toute la génération des geeks, qui inventent au rythme des jeux vidéos qui ont formé et distrait leur enfance. Inquiétude chez les anciens, la génération des lecteurs de Georges Orwell et Aldous Huxley, qui voient poindre l’ombre d’un Big Brother capable de contrôler les faits et gestes de toute l’humanité. Pourtant, la vraie originalité du Big Data n’est pas dans la menace d’un Big Brother. Elle réside dans la transformation de chacun d’entre nous, chacun des 7 milliards d’êtres humains, en Big Brother potentiel de l’ensemble des autres. Les données personnelles que nous acceptons de publier nous-mêmes sur les réseaux sociaux ou de confier à d’innombrables fournisseurs de services, combinées avec notre géolocalisation permanente, l’usage des moteurs de recherche (je « googlelise » tel inconnu), celui d’engins diaboliques comme les mini-drones, sans oublier la capacité infinie des smartphones à se transformer en autant de caméras cachées, et adieu toute intimité personnelle dans le monde de la transparence généralisée !

La santé est sans doute l’un des domaines où le Big Data offre le plus de promesses. L’explosion des capacités d’observation et de calcul à l’échelle moléculaire, la transmission instantanée des informations à distance, la diffusion immédiate et mondiale des résultats des expériences, l’exploitation des prodigieux gisements statistiques que recèlent les caisses d’assurances maladie, les hôpitaux, les compagnies d’assurances, comme celle des modes de vie et de l’alimentation : tous les éléments sont réunis pour que l’art d’Esculape connaisse lui aussi une révolution, au moins aussi importante que la révolution pasteurienne. D’où l’urgence d’inviter médecins, chercheurs, juristes, législateurs à en mesurer les opportunités et les risques, pour en fixer les règles.

C’est le mérite de l’institut Presaje de jouer les pionniers dans cette mission d’intérêt planétaire. Une grande aventure humaine commence !

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« L’Union européenne et le syndrome du chacun pour soi », article publié dans « Le Figaro » le 2 décembre 2015

Avec le défi du terrorisme se vérifie ce qu’on peut appeler le théorème européen des trois crises : sur les sujets majeurs, en l’absence de crise, les dirigeants européens décident d’abord de reporter la décision ; à la première crise, ils décident qu’il faut décider ; la vraie décision attend au moins la deuxième crise ; mais les moyens de l’appliquer ne sont mis en oeuvre qu’à partir de la troisième. Au mieux. Nous l’avons vu pour la crise financière et pour la crise grecque. C’est le tempo qui a rythmé la réponse européenne à l’agression russe en Ukraine. C’est ce à quoi l’on assiste depuis le début de la crise migratoire : après cinq sommets successifs, la décision de répartir 160 000 réfugiés n’est toujours pas appliquée.

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