Retrouvez mon édito intitulé  » L’EUROPE ET LA PEUR DU SIECLE  » :

Qu’est-ce qui fait le succès des partis populistes, de la France à la Suède, du Danemark à la Suisse, de la Finlande à la Hongrie, de la Norvège aux Pays-Bas ? La peur. La peur de l’Autre. Soudain. Partout. En Europe continentale, l’Autre est aujourd’hui le musulman, étranger ou même autochtone ; au Royaume-Uni c’est plutôt le Polonais, et c’est le latino aux Etats-Unis, fascinés par les propos racistes et antiféministes du milliardaire Donald Trump. En France, le chômage de masse persistant peut expliquer la peur ou l’exaspération chez des jeunes sans perspectives, mais que dire du cas de l’Angleterre et des pays scandinaves, qui ont retrouvé le plein emploi ? Une profonde angoisse identitaire taraude les vieilles nations occidentales.

A la recherche de boucs émissaires, nos débats électoraux ne s’embarrassent guère d’en chercher les causes profondes. J’en vois deux. D’abord, pour la première fois depuis mille ans, le siècle ne s’invente plus chez nous, mais ailleurs. Ce qui nous fait peur dans la « mondialisation », c’est que nous n’en sommes plus les pionniers, ni même les inspirateurs. Le XXIème siècle s’invente en Californie, en Chine, en Inde, dans les mégapoles africaines ou latino-américaines. Et il y a autre non-dit : au moment où la démographie mondiale explose, l’Europe est en panne de natalité depuis deux générations. Donc, en panne de dynamisme. En panne de créativité. En panne d’optimisme. En panne d’espoir. Alors, reparaissent les peurs millénaristes, l’angoisse d’un avenir qui ne dépend plus de nous ; et renaissent les barrières, non seulement entre les Etats, mais entre les corporations, les tribus, les chapelles qui divisent de nouveau chacun d’entre eux au risque de dissoudre l’unité nationale.

« Pour bâtir l’Europe, il nous a fallu apprendre d’abord à vivre ensemble. Nous devons maintenant apprendre à agir ensemble » recommandait Valéry Giscard d’Estaing en ouvrant les travaux de la Convention européenne. C’était en 2002. Mais aujourd’hui, nous avons besoin de renverser cette logique. C’est l’action qui nous unira. Le projet commun de reprendre notre place autour de la table où se bâtit le siècle. C’est en agissant ensemble, contre nos différents démons du passé et face aux défis communs de l’avenir que nous allons réapprendre la vie en commun, chacun chez soi et tous ensemble. Paradoxe ? Nous inventerons l’Europe en réinventant nos nations.