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Revenir au peuple

Nicolas Sarkozy a réussi à gagner en 2007 parce qu’il a redonné un corpus de doctrine à nos familles politiques. Il a proposé des réponses modernes aux problèmes contemporains, à partir de nos valeurs fondamentales, humanistes, libérales, sociales et européennes.

Il est maintenant aux affaires, dans la gestion. C’est au parti de faire vivre les idées, d’organiser le débat, d’établir le bilan, de prendre acte des nouvelles aspirations populaires, de comparer les solutions et les résultats avec nos partenaires, d’actualiser l’expression de nos valeurs. Que fait le parti ? Des argumentaires techniques, partisans, électoraux. C’est bien. On attend mieux. Le parti parle aux partisans. Il ne parle pas aux Français. Et il ne donne pas le sentiment de les écouter. C’est un porte-voix du Président, ce n’est pas un stéthoscope qui écoute les Français, et ce n’est plus un apporte-voix du peuple.

Qu’avons-nous perdu en ce printemps électoral 2010 ? Les villes et les campagnes. Les jeunes, qui ne vont pas voter. Les seniors, qui sont tentés par le Front national. Les quartiers défavorisés, dont les rares votants sont tous à gauche. Les agriculteurs, les ouvriers et les classes moyennes, « la France qui se lève tôt », trop pauvre pour bénéficier du bouclier fiscal, trop riche pour bénéficier de la réduction d’IRPP, et qui ne sait plus où l’on en est sur les 35 heures. Tous ceux qui ont applaudi à la récompense du mérite, et qui ont assisté avec surprise, puis déception, et parfois avec fureur, à des promotions qui obéissaient à d’autres critères.

Et ce qui déboussole le plus, c’est que nous avons remis nos « marqueurs » dans la poche. Les symboles. Les marqueurs, apparemment, ce sont ceux des autres. Des formations adversaires. Des vaincus de 2007. Selon la philosophie de Sartre : « on sait que le stalinisme est horrible, mais il ne faut pas désespérer Billancourt. » Les 35 heures sont la cause de tous les maux, mais on ne les a pas abolies. On sait qu’il n’y a aucune preuve scientifique pour condamner les OGM, mais c’est le marqueur écolo. La propriété publique des entreprises a échoué partout, mais c’est un marqueur pour la CGT. On a même parfois l’impression qu’on respecte des marqueurs de la droite de la droite. Notre seul vrai marqueur serait-il le bouclier fiscal ?

Or, Nicolas Sarkozy l’a prouvé, comme l’avait fait VGE lorsqu’il contestait à la gauche le monopole du coeur. On peut être libéral sans être libéraliste, on peut faire du social sans être socialiste, on peut protéger l’environnement sans être un naturiste vert. L’élection de 2007 s’est gagnée « au peuple ». Revenons au peuple. Au vrai.

Alain LAMASSOURE, le 29 mars 2010

Roses, rouges, verts : même combat?

La facilité avec laquelle socialistes, Verts et communistes plus ou moins repentis ont fusionné leurs listes au second tour des régionales ne s’explique pas seulement par le désir de garder des places. Elle illustre une convergence de fond, assez inquiétante pour notre pays.

La crise financière n’a pas eu que des conséquences économiques : le paysage idéologique, hérité de l’après-guerre, qui ne tenait plus que par un fil, a achevé de s’effondrer. Les mots « socialisme » et « libéralisme » n’ont plus de sens quand ceux qui continuent d’aduler Mao se livrent aux délices et aux poisons du capitalisme le plus échevelé, tandis qu’ailleurs des gouvernements libéraux ont dû prendre, fût-ce temporairement, le contrôle de leurs banques et de quelques grandes industries. Le combat politique a besoin d’un autre cadre de référence. Or, petit-à-petit, ce cadre se met en place. Les campagnes électorales de ces derniers mois, en Allemagne, de ces derniers jours en France, comme celles qui s’ouvrent au Royaume-Uni et aux Pays-Bas en donnent une première illustration. Le grand clivage est désormais : pour ou contre la croissance économique.

C’est le grand paradoxe européen, et un danger mortel pour notre continent. Depuis dix ans, l’Europe se traîne en lanterne rouge de la croissance mondiale, avançant péniblement de 1 à 1,5% par an tandis que l’Asie tourne à 10%, l’Amérique latine à 7 ou 8%, l’Afrique à plus de 5% et les Etats-Unis à plus de 2%. Maintenant que la crise est passée, chacun retrouve sa vitesse de croisière : les économistes s’accordent à estimer que la croissance potentielle de notre continent, entré faiblard dans la crise et sorti encore affaibli, ne dépassera pas 1,5% d’ici 2020. Et c’est à ce moment-là qu’une partie de l’opinion européenne s’effraie d’une « croissance ininterrompue qui va dans le mur » d’un « productivisme à tout crin » ou encore d’un « tout capitalisme qui a échoué ». Celui qui marche au pas ralentit l’allure parce qu’il s’effraie de voir ses concurrents courir !

C’est là que se rejoignent les orphelins de Karl Marx, dispersés entre-temps sur d’autres couleurs de l’arc-en-ciel. Privés de tout modèle économique alternatif, les communistes de tout acabit en viennent à dénigrer … l’économie elle-même : périsse l’économie qui, décidément, ne peut être que capitaliste ! Incapables, pour l’instant, de proposer une politique radicalement différente de celles que le pragmatisme a imposées un peu partout, les socialistes se concentrent sur le social, en feignant d’oublier que le financement du social n’est possible que dans une économie vigoureuse. Quant aux Verts, maintenant que les gouvernements européens ont fait de notre continent le plus respectueux des grands équilibres planétaires, ils ne trouvent plus leur identité que dans une surenchère fondamentaliste. C’est simple : ils sont contre tout. Contre la production végétale, qui exige trop d’eau et utilise trop de produits chimiques. Contre les OGM, qui pourtant épargnent l’eau et lesdits produits. Contre l’élevage, à cause des bouses de vache. Contre l’industrie, qui pollue par nature. Contre le tourisme, puisque les transports réchauffent la planète. Contre l’énergie nucléaire, bien sûr, mais aussi contre les microcentrales hydro-électriques, qui dérangent des espèces animales. Contre les biocarburants, rebaptisés « agrocarburants », qui affament les pauvres. Contre la voiture électrique … A la fin des fins, la seule politique qui a leur faveur, c’est le grand moins, seul moyen d’obtenir le « mieux ». Moins d’énergie, moins de transport, moins de consommation, moins de production, et même moins d’enfants pour une population mondiale mieux maîtrisée. C’est la décroissance.

Nous y voilà.

Idéologie redoutable, qui fait du repli sur soi, du refus du progrès scientifique et finalement de la paresse, des vertus cardinales puisqu’elles sauveraient, non pas l’âme des pratiquants, mais bel et bien la planète entière ! L’égoïsme frileux, érigé en générosité suprême ! Qui n’y souscrirait ? En même temps, on retrouve les échos de la campagne de François Mitterrand en 1981 : « travailler moins et gagner plus », au nom du « partage du travail ». Quand les socialistes choisissent comme leader l’ancien Ministre des 35 heures, les Verts font campagne pour les 32 heures, et toute la gauche française s’accorde pour la retraite à 60 ans, ignorant ce qui se passe même de l’autre côté de la Manche, du Rhin et des Pyrénées.

Conséquence logique des élections régionales : partout, les Verts ont obtenu le ralentissement ou le gel des grands travaux d’infrastructure, TGV, aéroports, comme l’arrêt des aides régionales au grand programme post-nucléaire ITER et aux nanotechnologies. Chacun est désormais prévenu : si la gauche veut s’unir en 2012, ce sera sur la base d’un programme de sous-croissance. Rendant tous nos problèmes définitivement insolubles : le chômage, le pouvoir d’achat, les inégalités, les retraites, l’endettement …

C’est pourquoi, au lieu de critiquer les Allemands pour leurs efforts et leur bonne gestion, la droite serait mieux inspirée d’inviter les Français à un grand sursaut national : tout, désormais, doit être subordonné à la maximisation de la croissance ! Pour connaître un développement « durable », encore faut-il qu’il y ait développement ! Pour faire du social, il faut d’abord trouver l’argent du social, et c’est la croissance qui le procure, pas l’appauvrissement collectif. Si l’on veut protéger la planète contre les excès de l’activité humaine, ce sera avec plus de progrès scientifique, et non en soumettant la science à l’idéologie verte.

Alain LAMASSOURE, le 23 mars 2010

Dossier sur la session plénière du 8 au 11 mars 2010 à Strasbourg

Pour accéder au dossier sur les travaux de la session plénière du 8 au 11 mars 2010 à Strasbourg, cliquez ici

Interview publiée dans le numéro de janvier 2010 de “FLD Magazine”, hebdomadaire consacré à la filière des fruits et légumes.