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“Europe : cessons de dire des âneries !”, article publié dans “Interfaces”, la revue de Confrontations Europe, numéro de novembre 2013

Que tout ce que notre pays compte d’eurosceptiques voient dans l’Europe l’origine de tous nos malheurs est dans l’ordre des choses. La manière dont la campagne européenne s’engage ou, plus exactement, ne s’engage surtout pas, dans les partis de gouvernement est plus surprenante et plus inquiétante. Le PS et l’UMP sont tentés de surfer sur le ressentiment anti-européen ambiant ; les centristes de L’Alternative ne sont pas au début d’un commencement d’une pensée européenne. Dans tous les cas, le logiciel européen n’a pas été renouvelé depuis une bonne quinzaine d’années. Or, entre-temps, tout a changé ! Pour poser les vraies questions, mettons nos horloges à l’heure de notre temps.

 

1 – La question première : « Europe ou pas Europe ? », « Plus d’Europe ou moins d’Europe ? », continue d’occuper les discours. Cessons d’y perdre notre temps. L’histoire y a répondu. Miracle inespéré de la construction européenne, la paix en Europe et la réconciliation entre nos peuples sont désormais acquises. Avec ou sans traité, les frontières internes s’évanouissent. Elles sont submergées par les touristes, les étudiants, les travailleurs, les familles, les marchandises, les services, les informations qui circulent librement dans un continent enfin en paix. L’espace économique désormais pertinent pour nous en ce XXIe siècle, c’est le continent européen. Nous devons y aménager les services publics et les politiques publiques qui y sont nécessaires : les règles du jeu de la concurrence économique, le cadre de la compétitivité, la monnaie, l’énergie, le contrôle des frontières européennes… Ce que nous bâtissons, ce n’est pas les Etats-Unis d’Europe; c’est une communauté d’Etats voisins organisant leur vie en commun et leur action en commun sur la scène mondiale pour y défendre ensemble leur sécurité, leurs intérêts et leurs identités. Après un demi-siècle de vie commune, nous sommes liés par 8 000 lois européennes. Allons-nous les abroger ? Evidemment non ! La monnaie commune nous préserve contre la malédiction des guerres monétaires que nous nous livrions: allons-nous y renoncer? Hérésie.

 

2 – Parmi ceux qui sont les plus attachés au projet européen, beaucoup plaident pour un nouveau progrès de l’intégration, à la faveur d’un nouveau traité. Pitié ! Le passager de l’Airbus est attaché à la sécurité de son vol et à sa destination : il n’a que faire de la forme de l’empennage.

 

3 – Cessons une fois pour toutes de parler de l’Europe comme d’une entité étrangère, d’un ailleurs, d’un pouvoir extérieur à nous qui déciderait sans nous et, souvent, contre nous ! Les décisions prises au niveau ministériel donnent lieu à des votes, et au niveau du Sommet, le Conseil européen, tout se décide à l’unanimité. Cela veut dire qu’aucune décision n’a été prise par l’abominable « Bruxelles » sans l’accord exprès des autorités françaises! L’Europe, c’est nous !

 

4 – Et la grande nouvelle, c’est que désormais, les citoyens européens vont pouvoir enfin prendre le pouvoir en Europe. Le traité de Lisbonne prévoit que, l’an prochain, le Président de l’organe exécutif, la Commission, ne sera plus un haut fonctionnaire international mais un élu du suffrage universel : il sera élu par le Parlement au lendemain de l’élection de celui-ci. Toutes les familles politiques européennes s’apprêtent à annoncer à l’avance le nom de leur candidat.

 

5 – Dans ces conditions, concentrons-nous sur ce que nous en attendons : que devons-nous faire ensemble que nous ferons mieux à l’échelle de l’Europe que dans le cadre national ? Soutenir la croissance, financer la recherche compétitive et les investissements à long terme, achever l’harmonisation nécessaire pour garantir une concurrence loyale entre nous, maîtriser l’immigration, garantir un approvisionnement énergétique propre et à bon marché, parler d’une même voix sur la scène internationale, nous répartir les tâches en matière de défense. Autant de sujets sur lesquels on a pris dix ans de retard. C’est sur ces grands choix que les candidats doivent se prononcer pour permettre aux citoyens européens eux-mêmes, de décider de la part de notre avenir qui nous est commune.