« Nous perdons du temps avec la politique intérieure britannique », interview publiée dans « Les Echos » le 18 février 2016

Diriez-vous, comme Donald Tusk, que l’Europe traverse « un moment crucial » ?

Non. J’ai fait le compte, il y a eu 24 sommets de la « dernière chance » depuis la crise de l’euro. C’est effectivement un problème pour l’Union. Mais c’est surtout un problème de premier ordre pour les Britanniques. Le problème majeur de l’Europe, c’est la crise migratoire, comme l’a été celle de l’euro. Or l’expérience montre que le Conseil ne peut se saisir de deux problèmes à la fois. Nous allons donc perdre du temps à discuter d’un sujet qui relève de la politique intérieure du Royaume-Uni, et aucune solution ne sera apportée à la crise des migrants.

David Cameron et Bruxelles espèrent pourtant solder la question avant vendredi soir. Vous n’y croyez pas ?

Quelle que soit l’issue de ce sommet, il ne mettra pas fin aux discussions. David Cameron a sous-estimé l’état d’esprit de ses concitoyens. Le camp du « non » est chauffé à blanc. Pour le convaincre de voter « oui », le Premier ministre britannique doit revenir chez lui avec des preuves simples et concrètes d’un regain de souveraineté. Autrement dit, avec une modification des traités. C’est politiquement impossible ! Il faudrait que les 28 Etats membres, ainsi que leur parlement, valident ces modifications.

Le texte de ce vendredi doit cependant induire de vrais changements ?

Quand bien même ils parviendraient à convaincre, la procédure va prendre encore de longs mois. La Chambre des communes ne se satisfera pas de ce qui s’apparente à une déclaration de bonne volonté de Bruxelles pour se prononcer en faveur d’un maintien dans l’Union. Le texte a beau être juridiquement contraignant, en ce qui concerne la libre circulation, il s’agit d’une procédure législative ordinaire, et donc longue, qui doit passer par la Commission puis le Parlement européen avant d’être effective. Autrement dit, le référendum a de fortes chances d’être repoussé, jusqu’en 2017, comme l’a inscrit dans la loi David Cameron lui-même. Et pendant ce temps-là, Jean-Claude Juncker (le président de la Commission européenne, NDLR) gardera sous le coude les textes qu’il a prévus et qui, eux, font vraiment avancer l’Europe. De nouveaux textes seraient interprétés comme « plus d’Europe ». Or, pour convaincre, David Cameron a besoin de « moins d’Europe ». Ce serait vécu comme une provocation.

Le divorce est donc préférable ?

La procédure de sortie prendrait elle aussi au moins deux ans. Car la Grande-Bretagne serait forcée de négocier une sortie douce avec un accès au marché européen – elle y effectue la majeure partie de son commerce – en contrepartie d’une participation au budget probablement plus grande que ce que Londres débourse actuellement. Sur le modèle de la Norvège ou de l’Islande. Mais, au final, par une maladresse politique, c’est l’avenir de son pays que David Cameron joue sur un coup de dés. Si c’est le « non » qui l’emporte au référendum, l’Ecosse, dont la majeure partie des députés sont indépendantistes et proeuropéens, pourrait très bien demander un scrutin sur l’indépendance. Ce serait alors l’éclatement du pays. C’est donc avant tout un grave problème pour les Britanniques.

Gabriel Nedelec, Les Echos
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« Sauver Schengen en aidant la Grèce »: article publié sur le blog « Les Coulisses de Bruxelles », le 3 février 2015

« Si je n’ai jamais voulu envisager un Grexit de la zone euro, ce n’est pas pour envisager un Grexit de Schengen » a martelé, ce matin, devant le Parlement européen réuni à Strasbourg, Jean-Claude Juncker. Pour le président de la Commission, il s’agit « d’aider la Grèce » à reprendre le contrôle de ses frontières extérieures qui sont aussi celles de l’Union, frontières par lesquelles est passée la quasi-totalité du million d’immigrants et de réfugiés qui sont entrés en Europe en 2015. Déjà sous tutelle budgétaire, Athènes n’a d’autre choix que d’accepter la tutelle sécuritaire de ses partenaires, l’enjeu étant de préserver l’espace de libre circulation menacé par le rétablissement désordonné des contrôles fixes aux frontières intérieures destiné à endiguer la vague d’immigration actuelle. « Nous sauverons Schengen en appliquant Schengen », a insisté Juncker.

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