« Henri Dès est l’ambassadeur des urgences européennes », article publié dans le quotidien suisse « 24 Heures » à la suite de l’évènement sur le numéro d’urgence 112 organisé au Parlement européen par Françoise Grossetête et Alain Lamassoure, à à Strasbourg le 11 février 2015

Si la perspective d’une bonne choucroute de poisson fait saliver Henri Dès, ce n’est pas pour des raisons gastronomiques que le moustachu le plus célèbre de Suisse romande a mis le cap sur l’Alsace, cette semaine. Le chanteur a rallié Strasbourg et le Parlement européen afin de faire la promotion du numéro d’urgence européen, le 112, à travers une chanson composée tout exprès. Et il y a du boulot: selon les dernières statistiques, seuls 27% des Européens savent quel numéro composer pour alerter les secours.

Après avoir conquis des générations d’enfants – et de parents –, le papa de la petite Charlotte s’est donc donné pour mission de séduire les eurodéputés. Depuis quelques mois, et grâce à sa chansonLe 112, ritournelle entêtante sautillant sur une rythmique reggae, il est même devenu l’ambassadeur officiel du numéro 112. «La musique permet une mémorisation facile du texte qui l’accompagne. Une chanson, quand elle est réussie, a ce pouvoir-là», confie-t-il ce mardi dans le train qui file vers la France. Un pays où une trentaine d’écoles portent son nom et où le Vaudois a vendu la vaste majorité des 5 millions de disques écoulés depuis le début de sa carrière. «Quand je chante en France, les gens pensent que je suis Français. Et c’est pareil en Belgique, on me prend pour un Belge. » Assise à côté de lui sur la banquette, Marie-Jo, sa compagne depuis cinquante et un ans, avale une galette de riz et acquiesce dans un sourire.

Une version différente

Mais avant de connaître un destin européen,Le 112, qui vient d’être enregistré en anglais et en italien, s’est fait connaître en Suisse dans une version légèrement différente: dans notre pays, c’est le 144 qu’il faut appeler en cas d’urgence, un numéro encore méconnu par un Suisse sur deux.

Ce constat a interpellé Maddalena Di Meo, directrice de Firstmed, école de premiers secours basée à Lausanne, déterminée à populariser le numéro à travers une chanson. Elle a alors frappé à la porte d’Henri Dès, qui a accepté et composé « Le 144 » l’été dernier, avant d’en enregistrer une seconde version avec le numéro européen.

Le train arrive à Strasbourg, ville où le chanteur pour enfants s’est produit il y a deux mois à peine. «Après une période un peu plus calme, je suis à nouveau extrêmement sollicité, et reçois tous les deux jours une nouvelle demande de concert. J’ai la chance de pouvoir choisir et préfère, aujourd’hui, une petite salle sympa qu’une grande scène lucrative», glisse celui qui a rempli 96 fois l’Olympia, «une bonbonnière». Au souper, devant la choucroute tant attendue et une bière locale, on parle pêle-mêle de ces dames qui, dans son fitness, réclament sa participation au cours d’aquagym, du discours qu’il tiendra au Parlement, imaginé la nuit précédente à 3 h du matin, et de Pierrick, fiston au grand cœur qui n’hésite pas à tomber le bas devant les caméras.

Mercredi matin, départ en tram vers le Parlement européen, spectaculaire édifice baigné de soleil. «Depuis que j’exerce ce métier, j’ai fait plein de choses sympas. Mais ça, c’est une première», se réjouit celui qui se dit «très intéressé par la politique, mais pas militant. Cette démarche est d’ailleurs totalement apolitique. » Il va falloir jouer serré pour tenter de faire sortir quelques eurodéputés d’un hémicycle où les débats s’annoncent denses: terrorisme et étiquetage de la viande d’élevage sont à l’ordre du jour. En fin de matinée, une dizaine d’entre eux gagnent néanmoins la petite salle où les attend Henri Dès, décontracté et souriant. «Mes chansons entrent dans les mémoires et s’y accrochent fort. Il faut que ce numéro y demeure de façon indélébile», plaide-t-il, avant d’interpréter son titre. La salle applaudit.

«J’ai trois enfants, donc les comptines d’Henri Dès, je les connais bien. Sa chanson est très rythmée, le texte amusant, estime Françoise Grossetête, eurodéputée française. Aujourd’hui, et malgré nos efforts, le numéro 112 reste très méconnu. Le constat est triste et alarmant. Il est essentiel d’intégrer ces bonnes pratiques et de les diffuser à nos enfants qui seront les adultes de demain. »

Sa collègue Angélique Delahaye, maire d’un village au centre de l’Hexagone, abonde: «Je transmettrai cette chanson aux enseignants de ma commune dès la semaine prochaine; et je ferai remonter l’information aux décideurs de la région. » «Cette chanson, c’est l’exemple parfait d’une Europe unie, proche et utile dont nous voulons montrer le visage», s’enflamme un peu plus loin Alain Lamassoure, pilier du Parlement.

Prochaine étape: la rédaction, ces prochains jours, d’une lettre cosignée par plusieurs eurodéputés à l’attention de Najat Vallaud-Belkacem, ministre française de l’Education.

Dans le train du retour, Henri Dès sirote une bière et évoque ses deux supplémentaires en juin, au Théâtre de Beausobre, où il se sent «comme à la maison», et son plaisir, intact, de la scène. «J’adore ça. C’est un élément essentiel de ma vie. »