« L’Europe qui protège ». C’était le slogan de Nicolas Sarkozy tout au long de sa campagne présidentielle. L’Europe été bâtie pour nous protéger à jamais de la guerre fratricide. C’est désormais acquis. Nous attendons d’elle aujourd’hui qu’elle nous protège des tempêtes mondiales de ce nouveau siècle aussi passionnant que périlleux.
Les crises majeures de cet été ont donné l’occasion au Président du Conseil européen d’en faire la démonstration par les actes.
Le 8 août, les troupes russes franchissaient la frontière georgienne. C’était la première invasion d’un pays indépendant par un grand voisin depuis 1991, lorsque Saddam Hussein avait voulu annexer le Koweït. Dès le 12 août, le Président du Conseil européen était à Moscou, puis à Tbilissi. Les Russes s’arrêtaient à 40 km de la capitale de Georgie. Deux mois plus tard, ils revenaient à leur point de départ. En quatre jours, les 27 gouvernements européens avaient été capables de s’unir derrière Nicolas Sarkozy pour sauvegarder l’indépendance de la Georgie.
Le 15 septembre, la faillite de Lehmann Brothers déclenchait la crise financière. Moins d’un mois plus tard, l’Europe adoptait son dispositif de sauvetage, aussi rapidement que le plan américain. En une seule semaine, l’énergique Président français avait réuni successivement les quatre plus grandes puissances financières d’Europe, puis les 15 pays de la zone euro, puis les 27 chefs de gouvernement, avant d’aller rencontrer George Bush à Camp David, puis les Chinois à Pékin. L’infarctus du crédit est surmonté au prix d’une thérapie révolutionnaire, et la refondation du capitalisme financier est engagée.
Mais la bataille est engagée aussi sur d’autres fronts majeurs.
L’immigration. Voilà treize ans que nous avons supprimé les contrôles aux frontières intérieures de l’Union, et que nos gouvernements tergiversaient pour adopter une position commune vis-à-vis des pays tiers. C’est à l’unanimité que les 27 ont approuvé le principe et les orientations d’une politique commune de l’immigration dans le cadre du pacte européen sur l’asile et l’immigration. L’immigration maîtrisée devient la politique de l’Europe entière, tout comme l’aide au co-développement dans les pays d’origine. Le temps des régularisations massives telles qu’elles ont été pratiquées ici et là au détriment de tous est révolu.
La sécurité énergétique et la protection du climat. Protéger nos consommateurs contre les yo-yo du prix de l’essence, nos industries contre les coupures de gaz de nos fournisseurs ombrageux, la planète elle-même contre les pollutions abusives : c’est l’objectif accepté par tous nos partenaires, avec la volonté d’entraîner les autres grandes puissances, tout en facilitant la conversion de nos producteurs aux méthodes et aux technologies du développement durable.
Le redémarrage de la croissance. Les banques convalescentes mettront du temps à retrouver leur pleine efficacité. Le chœur des lamentations clame que la crise économique est inéluctable. La présidence française refuse les fausses fatalités, et propose des actions communes très nouvelles pour redonner dynamisme et confiance aux consommateurs comme aux producteurs : mettre en place un ou des fonds souverains européens pour protéger les fleurons de notre industrie contre des raids prédateurs, étendre le bonus-malus fiscal au cas par cas, aider la recherche dans l’utilisation des énergies renouvelables.
Enfin, la protection contre les grandes menaces terroristes ou militaires. La guerre a été abolie sur le continent européen, la guerre froide est terminée, mais ce siècle reste un temps de violence et de fureur. Des bombes ont tué dans les métros de Paris et de Londres, comme dans la gare centrale de Madrid. Des Français sont tombés en Afghanistan aux côtés des Anglais et des Hollandais. Les Iraniens seront capables de frapper des cibles européennes bien avant d’atteindre la portée nécessaire pour menacer les Etats-Unis. C’est pourquoi la construction d’une Europe de la Défense, dans le cadre d’un nouveau partenariat avec les Etats-Unis, sera à l’ordre du jour du prochain Sommet de l’OTAN, à Strasbourg, en avril 2009.
Entre-temps, la période de présidence française sera achevée. Jean Monnet aimait à dire : « Rien ne se crée sans les hommes, rien ne dure sans les institutions ». C’est un pur hasard si la crise diplomatique russe et la crise financière ont éclaté à un moment où l’Union européenne était présidée par la France, et quand la France elle-même était dirigée par un homme d’une énergie exceptionnelle. Tant mieux. Mais nous aurons besoin dès l’année prochaine du traité de Lisbonne, qui donnera à l’Union la présidence permanente et la légitimité démocratique absolument nécessaires pour poursuivre sur cet élan, même lorsque la conjonction astrale sera moins favorable. Pour parachever l’Europe qui protège.
Alain LAMASSOURE, le 21 octobre 2008