« Le bois a retrouvé son prix d’avant Klaus », article publié dans Sud Ouest le mardi 18 mars 2014

« Il y avait foule, jeudi dernier, dans la salle des fêtes de Labouheyre (40), pour la première vente de bois par appel d’offres de l’année, organisée par l’Office national des forêts (ONF) : une trentaine d’acheteurs, alors qu’en général on ne dépasse pas la vingtaine, et beaucoup d’observateurs.

« C’est le signe que cette vente était très attendue », commente Pierre Verry, responsable de la commercialisation des bois à la direction territoriale Sud-Ouest de l’Office. « Au moment où le déstockage des bois de tempête commence à toucher à sa fin [prévue pour 2016], les acteurs étaient désireux de voir quelle tendance allait se dégager. » Car si l’ONF ne pèse qu’environ 10 % du marché du pin maritime, ses ventes publiques ont la réputation justifiée de donner le ton en matière de prix.

Et la tendance en ce début d’année 2014 est, sans trop de surprise, à la hausse. Quelque 112 802 m³ ont trouvé preneur au cours de cette séance, dont 89 049 vendus en bloc et 23 753 au stère. Le volume d’affaires a franchi la barre des 3 millions d’euros (3,05) et la compétition a été vive entre les acheteurs : « 23 lots ont dépassé les six offres. C’est exceptionnel », souligne Pierre Verry.

Du coup, les prix ont grimpé : le petit bois (entre 10 et 25 cm de diamètre) a atteint 21 euros le mètre cube (+ 10 % par rapport à la vente précédente) ; le bois moyen (de 15 à 40 cm de diamètre), 28,29 € (+ 15 %) ; le gros bois (au-delà de 40 cm de diamètre), 31 euros (+ 6 %), avec des pointes jusqu’à 40 euros pour certains lots.

Hiérarchie des usages

Ainsi, se réjouit Pierre Verry, « on retrouve les prix de 2008 pour le gros bois et on est au-dessus pour le petit bois. Les sylviculteurs n’ont pas d’inquiétude à avoir pour 2014. » L’autre enseignement de cette vente de Labouheyre est que la concurrence est de plus en plus marquée, non seulement sur le petit bois, mais aussi sur le bois moyen.

Cette tendance, estime le responsable de l’ONF, ne sera peut-être pas sans conséquence sur le comportement des sylviculteurs à l’avenir : « Ils pourraient être tentés de couper leurs arbres de plus en plus tôt, ce qui, à terme, pourrait mettre les scieries en difficulté. » Il y a là « un vrai enjeu pour les forêts publiques », s’inquiète Pierre Verry, sachant que la politique de l’ONF « va dans le sens du respect de la hiérarchie des usages du bois ». C’est la raison pour laquelle, dit-il, les prochains contrats d’approvisionnement que l’Office conduit par ailleurs seront « davantage orientés vers le bois d’œuvre et les scieries ».

Les gros industriels ont été une fois de plus particulièrement à la manœuvre. C’est la Société forestière du groupe Gascogne qui a le plus dépensé (568 000 euros), signe que, malgré les difficultés que connaît l’entreprise, absente lors de la dernière vente, elle maintient son niveau d’engagement. Smurfit, pour sa part, a acquis pour 420 000 euros de bois. Certains observateurs ont noté qu’il n’a pas hésité à s’en procurer jusqu’en forêt de Soustons (40), relativement loin de sa base girondine. Ils y ont vu une illustration de la tension qui commence à s’exercer sur la ressource.

Les scieurs ont également animé la séance, à commencer par Servary (27 000 euros) et Lesbats (195 000 euros). « Cette séance a montré que la hausse se confirme sur toutes les catégories de bois, alors qu’avant c’était surtout le petit bois », souligne le Landais Paul Lesbats, qui s’apprête à succéder à Robert Davezac à la présidence de la Fédération des industries du bois d’Aquitaine (Fiba). « Ce n’est pas propre au massif aquitain, explique-t-il. On observe le même phénomène dans les autres massifs français. » Il l’attribue aux problèmes climatiques, à l’arrivée de nouveaux utilisateurs et à l’exportation de grumes. Cette hausse ne fait pas le bonheur des scieurs dans la mesure, dit-il, où « on a du mal à la répercuter sur le prix des sciages et des connexes ».

Satisfactions et bémols

La satisfaction, en revanche, est dans le camp des sylviculteurs : « C’est bien, on a une embellie, on est contents », témoigne Christian Pinaudeau, le secrétaire général du syndicat. Qui tempère aussitôt : « Il ne faut pas s’exciter non plus, ce n’est que du rattrapage ! En 1988-1989, en euros constants, le bois d’œuvre se situait à 45 euros le mètre cube. Et s’il devait retrouver ce prix-là, il faut bien se dire que le pin maritime resterait le bois le moins cher d’Europe. »

La satisfaction est également de mise dans les communes forestières, car la très grande majorité des bois vendus à Labouheyre provenaient de forêts communales. Ils leur ont rapporté globalement plus de 2 millions d’euros. Pierre Darmanté, président de l’Union régionale des communes forestières d’Aquitaine, se félicite de « voir les prix remonter au niveau d’avant tempête ». Mais il y met un petit bémol : « Il faut rappeler que beaucoup de communes, suite aux destructions de Klaus, vont connaître une période où les coupes, donc les recettes, seront maigres. Et cela arrive au moment où l’État nous annonce des baisses de dotation. Nous allons avoir à redemander aux services de l’État de se pencher sérieusement sur ce problème. »

La prochaine vente de bois de l’ONF aura lieu le 14 juin. »

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