Budget de l’UE de 2014 à 2020 : les grandes manoeuvres ont commencé

Il y a onze mois, le 12 octobre 2011, commençaient les premières négociations sur le futur budget de l’Union des années 2014 à 2020. Jusqu’à présent, elles avaient gentiment ronronné, le Conseil des Ministres se contentant de lister les sujets de discussion pour les circonscrire dans un document aimablement appelé par les fonctionnaires du Conseil « cadre de négociation ».

Force est de constater qu’au retour des congés estivaux, nous entrons – enfin – dans le vif du sujet, le Président du Conseil européen Herman Van Rompuy ayant convoqué un Conseil européen extraordinaire les 22 et 23 novembre prochains dédié à ce seul sujet.

Ne nous y trompons pas : derrière l’acronyme bureaucratique de CFP – pour cadre financier pluriannuel -,   l’enjeu est de taille.

Enjeu démocratique, d’abord : voter le budget est le fondement de nos démocraties. Il s’agit ni plus ni moins pour le Parlement européen de défendre le droit des citoyens européens qui l’ont élu à donner leur accord au budget qui financera les politiques européennes sur les sept prochaines années.

Enjeu économique ensuite : le budget pluriannuel européen, c’est le 28è budget qui à côté des budgets annuels des Etats membres, injecte 94% de ses crédits dans des investissements de long terme et dans la nécessaire solidarité envers les régions et les Etats les plus en difficulté.

Enjeu politique, aussi : tailler dans le volume des fonds alloués pour les sept prochaines années aux politiques européennes communes, déjà limité à 2% de la dépense publique au sein de l ‘UE, c’est renoncer à utiliser le budget européen pour sortir durablement l’Europe de la crise dans laquelle elle est plongée depuis 2008 en relançant la croissance et la création d’emplois. C’est plus largement renoncer aux ambitions de l’UE de mettre en regard des politiques communes décidées en commun des financements à la hauteur des défis globaux qui se posent à elles dans tous les domaines.
Enjeu financier enfin : le budget européen, c’est la capacité de lever des capitaux pour financer les priorités d’intérêt européen communs aux vingt sept, bientôt vingt huit pays qui composent l’Union européenne. Qu’il s’agisse de financer des infrastructures routières, de poursuivre des travaux de recherche en matière de fusion nucléaire ou d’énergies renouvelables, l’échelle de temps est celle du long terme, et les investisseurs soucieux avant tout de stabilité et de garanties.

Si la probabilité d’un accord en novembre parait mince, les Etats membres au sein du Conseil n’ayant pas encore véritablement commencé à discuter entre eux, ne l’excluons pas. La décision du Président Van Rompuy de faire du Conseil européen un conclave jusqu’à ce qu’une fumée blanche sorte de la cheminée du bâtiment Juste Lipse est de bon augure. Il ne ménagera pas sa peine. Le Parlement européen non plus.

Gageons aussi que le Conseil a compris qu’il travaille dans un contexte radicalement nouveau : les petits cadeaux entre amis à traverse la distribution des enveloppes de cohésion à chacun, qui ont présidé à l’accord intervenu sous présidence britannique en décembre 2005 n’ont plus lieu d’être.

Le Traité de Lisbonne a donné au Parlement européen un avis conforme dans cette négociation. Un avis conforme, c’est le pouvoir de dire oui. Ou de dire non. Et clairement, le Parlement européen n’approuverait pas un accord qui ne respecterait pas ses lignes rouges :

– respect de ses prérogatives : avis conforme sur le règlement fixant le cadre budgétaire pluriannuel ; co-décision sur l’ensemble des programmes pluriannuels liés au prochain cadre ; 

– unité du budget : tous les programmes et politiques de l’UE devraient être couverts par le cadre budgétaire pluriannuel et bénéficier du financement approprié pour contribuer à la transparence, à la prévisibilité, à la responsabilité du budget européen ;

– souplesse accrue afin que les ressources budgétaires puissent être adaptées de manière appropriée à l’évolution de la situation et des priorités ;

– réforme du système de ressources propres : il n’y aura aucun accord sur le budget des sept prochaines années de la part du Parlement européen sans l’assurance claire qu’un retour au financement du budget communautaire par d’authentiques recettes propres sera engagé durant la période, dans l’esprit de la proposition faite par la Commission.

La tâche qui attend les trois institutions les prochaines semaines et les prochains mois s’annonce rude, et le calendrier serré.

L’enjeu en vaut la chandelle.

Alain Lamassoure, le 24 septembre 2012