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7 juin: les Français ont répondu sur l’Europe !

C’est une première. Depuis trente ans, les électeurs avaient pris l’habitude de considérer que l’élection du Parlement de Strasbourg n’avait pas d’enjeu de pouvoir très clair : dans ces conditions, ceux qui allaient aux urnes préféraient en profiter pour exprimer leur mécontentement envers le gouvernement en place. En 2004 encore, l’impopularité de Jacques Chirac et du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin avait valu au PS de conquérir deux fois plus de voix et de sièges que l’UMP. C’est cette tradition qui a conduit, par facilité autant que par paresse, le parti socialiste et, de manière plus surprenante, François Bayrou à refaire campagne cette année au nom du « vote sanction ».

Le boomerang leur est revenu en pleine figure. Les socialistes ont perdu près de la moitié de leurs sièges européens, tandis que le Modem connaissait une véritable déroute.

Car, entre-temps, les citoyens ont compris la leçon de la formidable accélération de l’histoire, bien mieux que beaucoup de leaders politiques. La manière dont Nicolas Sarkozy, au nom de la présidence française de l’Union européenne, a su faire face aux crises majeures de notre temps – la guerre russo-géorgienne, la crise financière, la récession économique, les changements climatiques – a démontré que les grands enjeux du siècle se décidaient désormais au niveau de l’Europe. Les faits ont décidé d’eux-mêmes : le souverainisme est devenu sans objet. Plus personne ne peut prétendre sérieusement que le traitement de ces grands sujets passe par « moins d’Europe ». Le Danemark, la Suède, la Pologne, la Hongrie, les pays baltes, et même de plus en plus de Britanniques, regrettent amèrement d’avoir tardé à rejoindre l’euro avant la tempête financière. Le flamboyant Philippe de Villiers se retrouve seul élu des 532 candidats de la nouvelle famille eurosceptique « Libertas », qui n’ambitionnait pas moins de 100 élus dans toute l’Europe ! Son allié irlandais, Declan Ganley, le « héros » du « non » irlandais au traité de Lisbonne, n’a même pas franchi le seuil minimum pour assurer sa propre élection chez lui. Quant à Jean-Marie Le Pen, il pourra se consacrer à arbitrer la querelle de sa propre succession politique entre sa fille Marine et son ancien dauphin Bruno Gollnisch : tous trois sont les seuls rescapés du Front National au Parlement de Strasbourg…

C’était ma quatrième campagne européenne. Pour la première fois, j’ai vu venir à nous des électeurs nous interrogeant sur l’Europe elle-même. Ayant bien compris l’importance de ce nouveau niveau de pouvoir, ils se sentaient mal informés, ils voulaient savoir comment leur vote pourrait peser sur le cours des événements. Jamais je n’ai eu à faire une campagne autant pédagogique et aussi peu partisane. Je ne l’ai pas regretté. Ni en tant que citoyen, ni … en tant que candidat.

Car, cette fois, les votants ont clairement choisi de se prononcer sur l’enjeu européen avant tout. Ils ont soutenu massivement la fermeté et la lucidité avec laquelle Nicolas Sarkozy et son gouvernement ont exercé la présidence de l’Union au plus dur de la crise financière, en souhaitant que la même énergie se prolonge pendant les cinq années à venir. Et ils ont distingué le programme alternatif d’Europe Ecologie, dont les candidats, Daniel Cohn-Bendit en tête, ont eu le mérite de ne parler que des enjeux européens. Tandis que, paralysé par ses divisions profondes sur l’Europe, qu’il n’a pas su purger quatre ans après le référendum de 2005, le parti socialiste est resté inaudible. Et que François Bayrou est passé complètement à côté du sujet, abandonnant au plus mauvais moment ce chantier européen qui était au cœur de l’identité de la famille politique centriste, pour vider sa querelle personnelle avec le locataire de l’Elysée.

Ce faisant, les électeurs ont fait preuve d’une grande maturité politique. Ils ne confondent plus les élections. En 2008, le vote des municipales avait déjà ignoré celui des présidentielles : ce n’était pas le même enjeu. En 2009, l’échiquier était encore différent ; il s’agissait de l’Europe, ils ont fait fi des clivages nationaux ou locaux habituels : l’UMP est arrivée en tête dans tous les départements et dans tous les chefs-lieux d’Aquitaine, y compris sur les terres landaises que l’on croyait vouées immuablement au rose foncé. Et, en 2010, les élections régionales seront encore un exercice différent.

Ce commentaire peut paraître bien optimiste au regard du faible taux de participation : seul un électeur sur trois a jugé bon de se déplacer. Mais tout indique que la page de l’Europe complexe et obscure va se tourner, avec la prochaine adoption définitive du traité de Lisbonne. La prochaine fois, les citoyens seront invités à élire un Parlement disposant du plein pouvoir législatif et même, à travers celui-ci, à choisir eux-mêmes « Monsieur » ou « Madame Europe », comme ils choisissent leur maire en France ou leur Premier ministre chez nos voisins. L’enjeu sera aussi simple et aussi clair que pour des élections nationales ou municipales, et la participation sera donc à l’unisson. Le temps de l’Europe démocratique, l’Europe des peuples, l’Europe des citoyens commence enfin !

Alain LAMASSOURE, le 8 juin 2009