Une Convention pour l’Europe

N’ayons pas peur des mots : le 28 février 2002 marquera une date dans l’histoire de l’Europe. Ce jour-là ont disparu les dernières monnaies nationales de la zone euro. Tandis qu’à Bruxelles s’ouvrait la Convention pour l’avenir de l’Europe. C’est un nouveau chapitre qui s’ouvre. Pourquoi ?

Après un demi-siècle, l’Europe est un animal politique étrange. Elle fait des lois – le Parlement européen adopte désormais plus de textes que l’Assemblée Nationale. Elle bat monnaie. Elle a un budget propre, d’un volume comparable à celui de l’Espagne, 100 milliards d’euros. Elle lève une armée : l’Union disposera dès l’an prochain d’une Force d’action rapide de 100 000 hommes. Elle a un porte-parole commun pour la politique étrangère. Les 380 millions de personnes qu’elle rassemble partagent une citoyenneté européenne commune, qui s’ajoute à leur citoyenneté nationale. Et pourtant, cette Union insolite n’a pas même d’existence juridique, ni de dirigeants à temps plein ! Et elle s’apprête à accueillir en son sein une douzaine de membres supplémentaires, les anciens « pays de l’Est ».

Il est temps de mettre le droit en accord avec la réalité. Puisque l’Europe est décidément une puissance politique, il lui faut une Constitution. C’est-à-dire un statut, qui définisse clairement ses buts, ses compétences, ses organes dirigeants, et qui en garantisse le caractère pleinement démocratique.

Ce sera le rôle de la Convention : le mot a été choisi par référence à la Convention de Philadelphie qui, en 1786, rédigea la Constitution des Etats-Unis d’Amérique. 105 élus issus des parlements de tous les pays d’Europe vont travailler pendant dix-huit mois à l’élaboration de la charte de la grande Europe politique. J’ai moi-même été élu par le Parlement européen pour en faire partie. Les travaux sont présidés par Valéry Giscard d’Estaing, le grand vétéran de la cause européenne qui, dès les années 70, « inventa » le Conseil européen, fit élire le Parlement de Strasbourg au suffrage universel et lança la marche vers l’union monétaire. Dans le groupe figurent aussi une demi-douzaine d’anciens chefs de gouvernement et une quarantaine d’anciens ministres des divers pays.

Mais nous ne sommes plus en 1786. Il ne suffit pas de mettre en loge quelques dizaines d’experts pour établir les règles du jeu communes à des centaines de millions de citoyens. Tout au long de ses travaux, la Convention devra se tenir en contact étroit avec ceux-ci. Alors, vive Internet, qui va nous permettre de dialoguer et de travailler ensemble pour que le projet que nous élaborons à Bruxelles soit vraiment le vôtre ! Ce site y sera naturellement consacré.

Alain Lamassoure, le 28 février 2002